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viernes, 22 de abril de 2016

Le Noyé




                                                                        de Alberto Julián Pérez ©

Je passais la journée à La Florida avec ma fiancée.
Je ne parle pas d’une plage de sable blanc de Miami
mais du balnéaire municipal de sable obscur, à Rosario.

Nous regardions défiler, depuis le rivage, les jacinthes d’eau voyageuses  
qui descendaient de Corrientes
chargées de serpents et de singes.

Notre amour était un amour simple
de village ou ville sud-américaine,
où les pauvres se baignent dans le fleuve de boue
et les riches maquillent la réalité avec leurs rêves d’emprunt.

Finalement la faim nous avait gagnés
et nous sommes allés dans un bar de la plage
pour boire une bière et manger un cornet de frites.

Le soleil se couchait sur l’horizon.
Soirées de reflets vermeils du Paraná.
Il semblait que le ciel ou dieu étaient blessés
et qu’ils souffraient à cause de nous,
qui leur avons fait mal.

J’ai dit à ma fiancée que nous étions peut-être
dans une fantasmagorie. Pris dans les bras
de notre tendre amour
nous imaginions que nous allions par le fleuve
à une jungle de jaguars ou tigres américains.

Nous pouvions, à notre guise, voyager dans le temps,
et penser que le Paraná était le fleuve de la vie
avec l’argile duquel était fait le premier homme.

Nous avons entendu des cris
et nous avons vu que le peu de baigneurs qui restaient
courraient vers un point de la plage.

Nous nous sommes approchés du lieu. Sur le sol, étendu
il y avait un jeune homme, les bras en croix.

Un autre jeune homme, à califourchon sur lui,
pressait sa poitrine avec les deux mains.
Le noyé ne réagissait pas.

Je me suis approché : j’ai vu qu’il avait les yeux ouverts.
Son regard vitreux paraissait chercher quelque chose dans le ciel.
J´ai compris qu’il était mort
et que rien ni personne ne lui rendrait la vie.

Je me suis demandé quelle était la dernière image
qu’il avait emportée de ce monde.
Et qui il avait appelé, dans les derniers instants,
de brasses désespérées, agoniques.

Nous, préoccupés par l’amour
et lui déjà entré dans la mort. Comment serait la mort ?
Passagers de l’amour,
le mort nous apportait cette question.

Ma fiancée, près de moi, pleurait.
Nous étions silencieux, graves, face à la tragédie inattendue.

Le noyé est resté allongé sur le sable.
Il n’y avait rien à faire. Les gens s’éloignaient.
Le jour tombait.

La mort si proche de la vie.
La fin si près du commencement.
Nous avons senti en nous la brièveté du monde.

Nous avons perçu notre mortalité
et tremblé pour la vie future.

Veuille Dieu nous donner la vie, j’ai pensé, et je l´ai dit à voix haute.  
Ma fiancée m’a serré dans ses bras et, tristes,
nous avons pris le chemin du retour.

Nous avons traversé lentement la ville
dans le bus de l’amour.

Quand nous sommes arrivés, sa mère préparait le dîner.
Nous n’avons rien dit. Assemblés en famille
nous avons mangé un ragoût et bu du vin.
À la télé un jeune chanteur a entonné « Zamba de mon espoir »:
« Le temps qui passe / comme la vie ne revient plus ».
Ma fiancée et moi nous nous sommes regardés
et je lui ai pris la main.

Nous étions amoureux de cette chose qu’est la vie.
J’ai prié tout bas pour qu’elle persiste dans son être.

Traduction
Charlotte Coing



      

                        El ahogado

                                                            de Alberto Julián Pérez ©



Estábamos pasando con mi novia el día en La Florida.
No me refiero a alguna playa de arena blanca en Miami
sino al balneario municipal de arena oscura, en Rosario.

Mirábamos desfilar, desde la orilla, los camalotes viajeros
que descendían desde Corrientes
con su carga de serpientes y de monos.

Nuestro amor era un amor sencillo
de pueblo o ciudad sudamericana,
donde los pobres se bañan en el río de barro
y los ricos maquillan la realidad con sueños prestados.

Finalmente nos ganó el hambre
y fuimos a un bar de la playa
a tomar cerveza y comer sánguches de milanesa.

El sol se iba poniendo en el horizonte.
Atardeceres de reflejos bermejos del Paraná.
Pareciera que el cielo o dios estuvieran heridos
y sufrieran, por nosotros, que les hicimos daño.

Le dije a mi novia que quizá éramos parte
de una fantasmagoría. Abrazados
a nuestro amor tierno, imaginamos
que nos íbamos río abajo en una jangada
a visitar una isla mítica, custodiados
por jaguares o tigres americanos.

Viajamos en el tiempo y soñamos
que el Paraná era el río de la vida
de cuya arcilla había sido hecho el primer hombre.

Escuchamos gritos
y vimos que los pocos bañistas que quedaban
corrían hacia un punto en la playa.

Nos acercamos al lugar. En el suelo, extendido,
había un joven, con los brazos en cruz.

Un muchacho, a horcajadas sobre él,
le presionaba el pecho con ambas manos.
El ahogado no reaccionaba.

Me aproximé: vi que tenía los ojos abiertos.
Su mirada vidriada parecía buscar algo en el cielo.
Comprendí que estaba muerto
y que ya nada ni nadie lo volvería a la vida.

Me pregunté que imagen última
se habría llevado de este mundo.
Y a quién habría llamado, en los instantes finales,
de brazadas desesperadas, agónicas.

Nosotros preocupados por el amor
y él ya entrado en la muerte. ¿Cómo sería la muerte?
El muerto nos traía esa pregunta a nosotros
pasajeros del amor.

Mi novia, junto a mí, lloraba.
Estábamos en silencio, graves, ante la tragedia inesperada.

El ahogado quedó tendido en la arena.
Nada podía hacerse. La gente se fue alejando.
Oscurecía.

La muerte tan cerca de la vida.
El final tan próximo al comienzo.
Sentimos en nosotros la brevedad del mundo.

Percibimos nuestra mortalidad
y temblamos por la vida futura.

Quiera dios darnos vida, pensé,
y lo dije en voz alta.

Mi amada se abrazó a mí y, tristes,
emprendimos el regreso a casa.

Atravesamos lentamente la ciudad
en el colectivo del amor.

Al llegar, su madre preparaba la cena.
No dijimos nada. Reunidos en familia
comimos empanadas y bebimos vino.
En la TV un joven cantor entonó “Zamba de mi esperanza”:
“El tiempo que va pasando/ como la vida no vuelve más”.
Mi novia y yo nos miramos y nos tomamos de la mano.

Estábamos enamorados de esa cosa que es la vida.
Dentro mío rogué que perdurara en su ser.


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