de
Alberto Julián Pérez ©
Le 14 juillet 2016, au crépuscule,
nous, les voisins de Buenos Aires
nous rencontrons devant l'Obélisque,
témoin oculaire de notre histoire,
Vigile élégant et tour de guet de ce Fort, la Patrie,
pour participer à la Grande
Casserolade Nationale.
Je ne suis pas le seul chroniqueur de cet événement,
mais je m’exprime en vers, et cette casserolade
entre dans l'histoire de notre poésie,
à la satisfaction de ses héros et de ses héroïnes,
les courageuses femmes de l’Argentine.
J'utilise la langue expressive
que mon peuple aime et comprend :
des images visuelles frappantes
et des métaphores
populaires colorées,
pour sceller un
nouveau pacte
avec les foules argentines
dans la forme poétique du XXIe siècle.
Que mon oeil public voyage
dans l'espace des réalisations de mon peuple,
et du ciel soit le témoin de sa grande finesse,
et m'enivre, petit drone,
des choses délicates de son esprit.
Nous avons commencé
notre journée nationale de Résistance
(mot sacré dans la langue de mon pays,
honoré par la patience
d'innombrables combattants
dans les heures malheureuses
de la terreur et de la dictature)
contre un gouvernement apatride,
une oligarchie stérile et cruelle,
qui affame ses travailleurs et nous
traite
comme des sauvages ou des barbares.
Frappante est la richesse verbale de mon peuple,
les nombreuses découvertes
de son expression intense et vive,
c'est pourquoi mon indignation
se heurte à la police de la langue.
Nous avions déjà, heureusement,
nos libérateurs de la poésie
et de la langue, et aujourd'hui
nous pouvons élever l’éclat de notre voix
et donner des leçons de sensibilité
aux opportunistes et aux réactionnaires.
Nous sommes une littérature expérimentée,
nous avons nos saints et nos martyrs,
et gare à celui
qui ose
offenser sa mémoire,
parce que les poètes viendront,
avec les épées tranchantes de leurs plumes,
exécuter les meurtriers de leurs vers.
Les riches de ma bien-aimée Argentine,
sachez-le,
n’ont jamais rien trouvé de plus
méprisable que leur propre peuple,
et ils le prouvent, nérons
cruels,
avec leurs
actes et mesures gouvernementales.
C'est pourquoi les nôtres ont décidé,
comme notre
Difunta Correa, digne et
douce,
de se battre, héroïque, pour leurs droits.
Nous détestons les privilèges
de nos oligarques illégitimes,
serviteurs arrogants de maîtres étrangers,
qui ont couvert de deuil le pays
avec
leurs mauvais gouvernements militaires
et leurs conseils d’assassins
pendant cinq décennies le siècle dernier,
et qui viennent
aujourd'hui avec leur progénitures,
éduqués dans les universités Nord Américaines,
apporter la faim et la misère à nos enfants.
Les riches n’en ont jamais marre
de tourmenter les pauvres,
ainsi
il est écrit, et si vous n’y croyez pas, lisez l'Évangile,
et allez
voir les bidonvilles qui
languissent
à côté des quartiers-boutiques des puissants,
regardez les enfants aux pieds nus mendier dans
les rues
et ramasser la nourriture des poubelles.
C’est pourquoi, en ce fraternel 14 juillet,
nous sommes réunis, nous, libertaires,
pour une grande casserolade de résistance populaire.
L'Obélisque se pare d'affiches
qui expriment notre rébellion,
en ce jour où les parapluies fleurissent
à côté des casseroles parce qu'aujourd'hui,
comme ce 25 mai 1810, quand le peuple argentin
a commencé sa révolution contre l'Empire,
il pleut à Buenos Aires. Le ciel est avec nous
et pleure pour ses enfants dans l’espace allégorique
de notre mobilisation populaire.
Tout a du sens, la ville parle,
chaque être et chaque objet sont des témoins :
nous sommes sur la 9 de Julio,
la plus large avenue
du monde,
frères, héroïques catons,
sur le grand rond-point fleuri qui embrasse l'Obélisque.
Nous chantons des refrains et crions nos raisons,
nous exprimons notre indignation et notre colère,
en frappant, à un rythme soutenu, nos casseroles dissonantes.
Les forces de police armées de fusils d'assaut,
de boucliers et de matraques,
apocalyptiques en uniforme,
bouclent le périmètre de la manifestation,
et menacent notre sécurité, en montrant
le peu de valeur que la vie a à Buenos Aires.
Notre oligarchie, agriculteurs obèses
et industriels maigrichons, a toujours aimé
réprimer le peuple pacifique avec sa police,
et le moment venu, ordonner l’assaut
à l'armée nationale,
mercenaire du pays des potentats,
pour contenir les progrès des mécontents,
et
l'inciter, si nécessaire, à tirer sur son peuple.
En attendant, moi, le poète,
et plus que le poète, le professeur,
le vieil enseignant que je suis et j’ai été,
chroniqueur et journaliste occasionnel
en lequel je me transforme,
lorsque la situation urgente l'exige,
je témoigne, à cette occasion,
pour Radio FM La Boca, et ses radios affiliées
et amicales :
FM La Colifata, FM Caterva,
Radio La Milagrosa, Radio Bemba et FM Riachuelo,
la colère des masses contre le gouvernement
après l’augmentation arbitraire des tarifs
du gaz et de l’électricité de 700% (C’est pas incroyable ?).
C’est ainsi que les riches de mon pays
font leurs comptes,
en liquidant
avec une rage cruelle et arrogante
la sueur captive du travailleur mal nourri.
Parmi les manifestants, les femmes
sont plus nombreuses que les hommes.
Les casseroles sont le symbole du travail
continu et dur des mères chez elles
et les femmes combatives et courageuses
veulent être entendues.
Fières elles parcourent les rangs,
Guerrières amazones dans la bataille
contre l'Hydre des egos cruels
de l’oligarchie bouchère.
Les chants contre les responsables de la misère
augmentent; tant de crimes ils ont commis
tout au long de notre histoire
qu'ils remplissent de leurs faits
des pages sombres de souffrances et de hontes.
En première ligne, on remarque
les Mères de Plaza de Mayo,
avec leurs mouchoirs blancs caractéristiques,
vieilles femmes tenaces
armées, sous la pluie, de
courage;
ensuite les membres du Tupac Amaru,
visages de bronze, profils de hache,
réclament, sur leurs affiches,
la liberté de la militante indigène Milagro Sala,
prisonnière politique du gouvernement;
à coté des organisations de piquets de grèves agitent
les drapeaux harcelés de leurs slogans;
le Parti des Travailleurs brandit son étendard rouge,
insigne de guerre de classes;
Barrios de Pie forme devant le mur de la police
- barrière sans pitié - une procession des consciences.
Je reconnais tout à coup, dans la foule,
quelques jeunes: ce sont des étudiants
de l'école de mes insomnies
qui sont présents à cette heure-ci.
Des visages audacieux, des yeux lumineux,
des sourires faciles, je suis fier
de ces jeunes sentinelles idéalistes.
Ils me crient: «Professeur! » Je les salue
en agitant mes deux bras.
« Imaginez si Martin Fierro nous voyait ! », dit un.
Je lève mon pouce, j’aime son esprit.
Ils sont dans mon nouveau cours
de littérature argentine à «l'école
de la Ribera»,
où nous étudions et discutons beaucoup
de nos grands livres. Ensemble, nous lisons
Le gaucho Martín Fierro et Opération massacre.
Ils sont très intelligents. Je suis content
qu’ils soient venus à cette protestation populaire
inoubliable. Je suis honoré par la conscience sociale
profonde de ces gars, les enfants des travailleurs
de mon quartier, La Boca, ancienne maison
d'immigrants et refuge des humiliés,
illustre berceau de combattants anarchistes
et de travailleurs socialistes,
admirateurs d'Almafuerte et de Carriego.
Je sais que mes prédications morales
s'intensifient dans mes cours
(« N’abandonnez pas, même vaincus,
ne vous asservissez pas, même esclaves;
tremblant de peur, pensez-vous courageux,
grièvement blessés, attaquez férocement. »)
or ce ne sont pas elles qui les ont persuadés
de venir, mais les idées émancipatrices
de José Hernández et Rodolfo
Walsh.
Tout le monde à l'unisson frappe les casseroles;
nous, les Argentins, avons la musique dans l'âme.
Il n'y a pas de meilleur rythme que celui
né de l'indignation. Il se passe beaucoup de choses
dans ce pays. Les mères, les organisations de quartier,
le Parti des Travailleurs, les
Péronistes, les étudiants,
tous protestent.
On entend les chants :
«Macri, / ordure, / c’est toi la dictature».
Le chef de la police donne l'ordre à son escouade
d’avancer. Les infiltrés de l’Intelligence
nous provoquent. On entend les injures:
« racailles, petites têtes, crèves
la faim,
vieilles emmerdeuses », crient-ils.
Ce sont les mêmes expressions méprisantes
de ressentiment, de racisme, qu’utilisent
les dames de Barrio Norte et Recoleta,
l'enclave des riches, pour se référer à leurs serviteurs
dans les
conversations. Pour ces agents
et espions du gouvernement, les travailleurs
n'ont aucune valeur humaine.
De notre groupe, au-dessus du vacarme
des casseroles, s’élève
à l'unisson notre cri :
« Nous voulons du
travail! », « Nous
avons faim ! »
« Nous ne pouvons pas
payer les factures! »,
« Non à l’augmentation ! »
C'est la lumière de la voix de la multitude
éclairant les ténèbres de la barbarie macriste.
Nous, les Argentins, faisons
des choses essentielles avec notre langue,
le mot pour nous est une arme chargée de beauté,
bannière d’identité pour révéler la vérité
aux frères. Journalistes et enseignants
se reconnaissent dans leur dignité rédemptrice.
La classe populaire se bat contre l'oligarchie
qui la vend. Estela de Carlotto, la célèbre
vieille femme, grand-mère des disparus,
est là et elle vient me saluer;
je la serre dans mes bras, elle dit « poète »,
et « saluez de ma part
les jeunes rebelles de FM Riachuelo. »
Je lui promets d’écrire une chronique;
je remplis ici ma promesse; la poésie
et l'histoire se serrent toujours la main.
C’est important de
laisser un témoignage
du présent. Nous traversons des moments
difficiles. Histoire, littérature et politique
sont les phares qui ont illuminé les luttes
des peuples de l'Amérique espagnole.
Demain, sûrement, la tristement célèbre
presse officielle, celle des journalistes serviles,
complices du pouvoir des vandales et du capital
corrosif, va semer ses mensonges. Elle dira
que nous étions minuscules
et que nous avons été envoyés par les Péronistes,
et même les Communistes. Ils veulent promouvoir
la haine dans les phalanges macristes.
Ce n'est pas vrai et je vais tout expliquer,
dans cette chronique urgente : les gens
sont sortis dans la rue parce que la rue
est à nous, et cette élite de traitres à la patrie,
de cipayes au service du capital sanglant
qui prétend
nous gouverner, ne
va pas
nous faire peur. Nous les connaissons
depuis longtemps. Ces patrons
sont les enfants et les neveux des généraux,
qui ont assassiné les parents de nombreux
jeunes qui nous accompagnent
dans cette manifestation. Parmi nous,
il y a beaucoup d'enfants de disparus.
Je me souviens de cette époque infâme,
car j’ai lutté aux côtés de ceux
qui se sont battus pour la liberté,
et j'ai appris la puissance du feu
des armes d'extermination de l’Armée,
joyaux sanglants, cadeaux du Pentagone.
La résistance du peuple
contre les maîtres impérialistes qui nous exploitent
est aussi vieille
que le continent Américain.
Produit que nous sommes de l’abus incessant
du capital brutal sur le travail,
esclave ou libre, plus esclave que libre finalement.
Le capital paie la sueur du travailleur
avec des balles et de la faim. Dans notre lutte,
nous nous civilisons et nous apprenons à être libre,
tandis que les patrons, esclaves de leur inhumanité,
cherchent à plonger le monde
dans la terreur et la barbarie.
Ce poème aspire à être l’école
où les enfants apprendront un jour
les luttes de leurs parents. Mes chroniques
sont baroques et mélodramatiques, excessives
et débordantes
comme notre peuple.
Ses comparaisons et métaphores
donnent des exemples de notre valeur,
de notre foi et courage.
Il est temps de finir notre patriade.
Nous plions avec amour nos drapeaux
et disons au revoir à cette tour de marbre virile
et cathédrale de Buenos Aires, l'Obélisque,
blanc sur le fond sombre du ciel nocturne.
C’est le témoin de l'esprit de lutte de ses enfants.
Nous nous dispersons lentement sur
la grande esplanade de la 9 de Julio
et l'avenue Corrientes, rue nerveuse
des marquises lumineuses
et des théâtres accueillants.
Au bas de la grande avenue
de notre Indépendance, sur le bâtiment
du Ministère des Travaux Publics,
on voit la fresque bleue et blanche
de lumières scintillantes de l’immortelle Evita,
gardienne et protectrice des humbles.
Fourmis patientes, criant à gorge déployée
nos slogans, nous promettons de revenir,
de percer avec notre travail
les lois injustes avec lesquelles nous écrasent
et nous annulent les cruels propriétaires
du capital, et occuper les rues qui sont les nôtres,
dessiner de nouvelles voies d'espoir.
Nous réclamons justice. Nous sommes
la charité et la foi. Nous partons en silence
vers nos maisons appauvries,
manger le pain amer de la misère.
Amis de la radio, fidèle je retourne
à La Boca del Riachuelo, notre ancienne
République de tôle,
dramatique et pittoresque.
Puisse-t-elle bientôt sortir de sa prostration
de quartier marginalisé
(marginalisé,
pas déshérité, car il est héritier
des peintures murales allégoriques
de Quinquela Martín, des tangos sentimentaux
de Juan de Dios Filiberto, des textes joufflus
de Washington Cucurto
et des
poèmes argentins d’Alberto Julián Pérez),
victime et témoin des abus et du mépris
dont sont victimes en Argentine
les masses populaires sacrifiées,
et avec tous les autres quartiers, rejoindre
la Grande Casserolade de l'Insurrection,
et fonder une République
en liberté.
En Argentine, nous avons besoin
d'une nouvelle révolution:
celle des pauvres contre les riches,
celle des enfants contre les parents,
celle des femmes contre les maris tyranniques,
celle des faibles contre les puissants oppresseurs,
celle des poètes contre les mauvais politiciens.
Qu’est-ce qu’il nous
reste, nous, les impuissants,
les ignorés, jeunes adams,
sinon nourrir cet espoir,
et souhaiter que, cette fois, les balles de l'oligarchie
dirigées vers les gens, manquent leur cible.
Qu'ils reconnaissent notre humanité,
c’est ça
que nous voulons. De notre côté,
nous promettons que nous leur ferons comprendre
et sentir ce qu'est la Patrie.
Nous la portons dans
nos cœurs,
trésor spirituel, tatouage précieux sans prix.
Elle semble une vieille vérité ou une superstition,
mais ceux qui l'ont sentie
savent combien est proche de Dieu et de la vie
l'ancienne maison du Père, notre Patrie.
Quand tout cela a-t-il commencé ?
Quand les héros sont-ils devenus méchants ?
Quand les libérateurs sont-ils devenus des oppresseurs ?
Oligarques, traîtres, assassins! Repentez-vous
de vos crimes! Vous avez encore le temps. Généraux
d'Amérique latine qui ont oublié qui est l'ennemi,
et ont visé leurs concitoyens;
officiers criminels de la marine
qui ont jeté les mères et leurs enfants nus
des avions militaires; tortionnaires cruels
de jeunes étudiants; avocats devenus policiers
qui ont persécuté les faibles, au lieu de les protéger;
juges des tribunaux médiatiques de justice,
qui montent le spectacle à la demande de leurs maîtres,
et créent des écrans de fumée complices
pour cacher leurs vols; exploiteurs racistes
qui paient avec
notre sang des intérêts
à leurs employeurs étrangers; nouveaux
responsables des capitaux de leurs parents
génocidaires; propriétaires fonciers, petits-enfants
de voleurs de terres et meurtriers d'Indiens;
sachez que c'est aussi votre Patrie. Nous sommes
le Peuple et nous acceptons de partager
avec vous notre pays, bien que vous ne le méritiez pas.
Barbares, cipayes, apatrides ... «Repentez-vous,
rejoignez la civilisation des justes»,
crie la voix dans le désert.
Nous, les pauvres, nous
pardonnons tout, parce que
nous sommes, par la volonté de Dieu,
la vérité et la vie,
et nous vous
ferons une petite place,
ici, dans ce foyer ouvert,
à côté des braises chaudes
de nos coeurs.
Traduction
de Charlotte Coing
El Gran Cacerolazo del Obelisco
Alberto
Julián Pérez
El día 14
de julio del 2016, al anochecer,
los vecinos de Buenos Aires nos reunimos frente al Obelisco,
testigo ocular de nuestra historia,
grácil vigía y
atalaya de este Fuerte, la Patria,
para participar en el Gran Cacerolazo Nacional.
No soy el único
cronista que informo de este evento,
pero uso el verso, y este cacerolazo, por lo tanto,
se integra a la historia de nuestra poesía,
para satisfacción de sus héroes
y de sus heroínas,
las esforzadas mujeres argentinas.
Utilizo el lenguaje expresivo que mi pueblo ama y entiende:
imágenes visuales llamativas y decoradas metáforas cumbieras,
para sellar el nuevo pacto con las multitudes argentinas
en la forma poética del siglo veintiuno.
Podrá mi ojo público viajar
por el espacio de las realizaciones de mi gente,
testimoniar desde el cielo su gran exquisitez,
y embriagarme, drone menudo,
con las cosas delicadas de su espíritu.
Hemos comenzado nuestra jornada nacional de Resistencia
(palabra sagrada en la lengua de mi tierra,
honrada por la paciencia de luchadores innumerables
en las horas aciagas del terror y la dictadura)
contra un gobierno apátrida, oligarquía
estéril y cipaya,
que hambrea a su pueblo trabajador
y nos trata como a salvajes o a bárbaros.
Impactante es la riqueza verbal de mi gente,
los muchos hallazgos de su expresión arisca y viva,
por eso mi indignación choca con la policía del idioma.
Ya tuvimos, felizmente, nuestros libertadores de la lengua
y de la poesía,
y hoy podemos elevar el lustre de nuestra voz
y dar lecciones de sensibilidad
a los vendepatria y a los reaccionarios.
Somos una literatura experimentada,
contamos con nuestros santos y nuestros mártires,
y guay de quien se digne ofender su memoria,
porque saldrán
los poetas, con las filosas espadas de sus plumas,
a despenar a los asesinos de sus versos.
Para los ricos de mi querida Argentina, sépanlo,
nunca hubo nada más despreciable que su propio pueblo
y así lo demuestran, crueles Nerones,
con sus actos y medidas de gobierno.
Por eso nuestra gente ha decidido,
como la Difuntita Correa, digna y dulce,
luchar, heroica, por sus derechos.
Odiamos los privilegios de nuestros ilegítimos oligarcas,
sirvientes arrogantes de amos extranjeros,
que luego de enlutar al país durante cinco décadas
con sus desgobiernos militares y sus Juntas de asesinos
en el pasado siglo, vienen hoy
con sus vástagos,
educados en universidades gringas,
a traer hambre y miseria a nuestros hijos.
Jamás se cansan los ricos de atormentar a los
pobres,
así está escrito, y si no, lean el Evangelio,
y visiten las villas miserias que languidecen
junto a los barrios boutiques de los poderosos,
y vean a los niños descalzos mendigar por las calles
y recoger comida de la basura. Por eso,
en este 14 de julio fraterno, nos reunimos, libertarios,
para un Gran Cacerolazo de resistencia popular.
El Obelisco está engalanado
de carteles
que vocean nuestra rebelión,
en este día
en que florecen, junto a las cacerolas, los paraguas
porque hoy, como en aquel 25 de mayo de 1810,
cuando el pueblo argentino inició su Revolución contra el Imperio,
llueve en Buenos Aires.
El cielo nos acompaña y está llorando por sus hijos
en el espacio alegórico de nuestra movilización popular.
Todo tiene sentido, la ciudad habla,
cada ser y cada objeto son testigos:
estamos en la 9 de Julio, la Avenida más ancha del mundo,
hermanados, Catones heroicos,
en la gran rotonda florida que abraza al Obelisco,
cantando estribillos y gritando nuestras razones,
expresando nuestra indignación y nuestro enojo,
batiendo, con ritmo canyengue, nuestras cacerolas disonantes.
Las fuerzas policiales, armadas con rifles de asalto, escudos
y bastones, uniformados apocalípticos,
acordonaron el perímetro de la manifestación,
y amenazan nuestra seguridad,
mostrando el poco valor que tiene en Buenos Aires la vida.
A nuestra oligarquía, estancieros obesos
e industriales raquíticos, siempre le ha gustado
reprimir con su policía a la gente pacífica,
y mandar, llegado el caso, al asalto,
al mismísimo
Ejército Nacional, mercenario del país de los potentados,
para contener el avance de los disconformes,
incitándolo, si
hace falta, a disparar contra su pueblo.
Mientras tanto, yo, el poeta, y más que el poeta, el maestro,
el viejo maestro que soy y he sido, y cronista y periodista ocasional
en que me transformo, cuando la urgente situación lo exige,
testimonio, en esta ocasión, para Radio FM La Boca,
y sus radios afiliadas y amigas : FM La Colifata, FM Caterva,
Radio La Milagrosa, Radio Bemba y FM Riachuelo,
el enojo de las masas contra el gobierno
por el aumento indiscriminado de las tarifas
de los servicios del gas y de la luz en un 700 % (increíble no?).
Así sacan las cuentas en mi patria los ricos,
que liquidan con rabia cruel y arrogante
el sudor cautivo del trabajador mal alimentado.
Hay en la protesta mayor cantidad de mujeres que de hombres.
Las cacerolas son el símbolo de la labor continua y esforzada
de las madres en sus hogares, y las combativas y valientes mujeres
quieren hacerse escuchar. Raudas recorren las filas,
amazonas guerreras en la batalla contra la Hidra
de crueles egos de la oligarquía carnicera.
Arrecian los cánticos contra los responsables de la miseria;
tantos crímenes
han cometido a lo largo de nuestra historia
que llenan con sus hechos
páginas oscuras de sufrimiento y de oprobio.
Primeras en la fila, se destacan las Madres de Plaza de Mayo,
ancianas esforzadas, armadas, bajo la lluvia, de coraje,
con sus característicos
pañuelos blancos;
los miembros de la Tupac Amaru, rostros de bronce, perfiles de hacha,
piden, en sus carteles, por la libertad de la militante indígena
Milagro Sala, prisionera política del gobierno;
varias organizaciones piqueteras agitan
las acosadas banderas de sus consignas;
el Partido Obrero hace flamear su estandarte rojo,
insignia de la guerra de clases;
Barrios de Pie forma ante el muro policial,
barrera sin misericordia, una procesión de conciencias.
Reconozco de pronto, en la muchedumbre, algunos caras:
son los jóvenes estudiantes del colegio de mis desvelos
que se han hecho presentes en esta hora.
Rostros osados, ojos luminosos, sonrisas fáciles,
me siento orgulloso de esos jóvenes centinelas idealistas.
Me gritan : « ¡Profesor ! ». Los saludo agitando mis dos brazos.
« Mire si nos viera Martín Fierro », dice uno. Levanto el pulgar,
aprobando su ingenio. Están en mi nuevo curso
de Literatura Argentina en la « Escuela de la Ribera »,
donde estudiamos y discutimos muchos grandes libros nuestros.
Juntos leímos
el Martín Fierro y Operación masacre.
Son muy inteligentes. Me alegra que hayan venido
a esta inolvidable protesta popular. Me honra
la profunda conciencia social de estos muchachos,
hijos de los trabajadores de mi barrio, La Boca,
antigua casa de inmigrantes y refugio de humillados,
cuna ilustre de luchadores anarquistas
y de socialistas admiradores de Almafuerte y de Carriego.
Sé que mis prédicas morales arrecian en mis clases
(« No te des por vencido, ni aún vencido,
no te sientas esclavo, ni aún esclavo;
trémulo de pavor,
piénsate bravo,
y acomete feroz, ya mal herido. »),
pero no fueron ellas las que los persuadieron a venir,
sino las ideas emancipadoras de José Hernández y Rodolfo Walsh.
Todos al unísono
batimos las cacerolas,
los argentinos somos músicos de corazón.
No hay mejor ritmo que el que nace de la indignación.
En este país
pasan muchas cosas.
Protestan las madres de familia, las organizaciones barriales,
el Partido Obrero, los Peronistas, los estudiantes.
Se escuchan cánticos :
« Macri,/ basura,/ vos sos la dictadura ».
El Jefe de la Policía da la orden a su escuadrón
de avanzar. Infiltrados de Inteligencia nos provocan.
Escuchamos los insultos: « negros grasas, cabecitas,
muertos de hambre, viejas de mierda,» gritan.
Son las mismas expresiones resentidas y racistas
de desprecio que utilizan
las señoras en Barrio Norte y Recoleta, el enclave de los ricos,
para referirse a sus sirvientes en sus conversaciones.
Para estos agentes y espías del gobierno
los trabajadores no tienen valor humano alguno.
Mientras, en nuestro grupo, por encima del estruendo
de las cacerolas, se escucha, al unísono, nuestro clamor:
« ¡queremos trabajo ! »,« ¡tenemos hambre ! »,
« ¡no podemos pagar las facturas ! », « ¡no al tarifazo ! ».
Es la luz de la voz multitudinaria iluminando
la oscuridad de la barbarie macrista.
Los argentinos hacemos cosas esenciales con nuestro lenguaje,
la palabra para nosotros es un arma cargada de belleza,
bandera de identidad para develar la verdad propia a los hermanos.
Periodistas y maestros nos reconocemos en su dignidad redentora.
La clase popular se bate contra la oligarquía entreguista.
Estela de Carlotto, la viejecita ilustre, Abuela de los desaparecidos,
está allí, y viene a saludarme; la abrazo, me dice « poeta »,
y envía
por mi intermedio su saludo
a los jóvenes rebeldes de FM Riachuelo. Yo le prometo
escribir una crónica; aquí cumplo;
poesía e
historia siempre se dan la mano.
Es importante dejar testimonio del presente.
Estamos en tiempos difíciles.
La Historia, la Literatura y la Política son los faros
que han iluminado las luchas de los pueblos en Hispanoamérica.
Mañana, seguramente, la prensa oficial infame,
la de los plumíferos serviles, cómplices del poder vandálico
y del capital corrosivo, sembrará sus mentiras.
Explicará que éramos minúsculos y nos había mandado
el Peronismo, y aún el Comunismo,
promoviendo el odio en las falanges macristas.
No es cierto y les explicaré todo, en
esta, mi crónica urgente:
la gente salió a la calle porque la calle es nuestra,
y esta élite de vendepatrias, de cipayos
al servicio
del capital sangriento que dice que nos gobierna,
no va a meternos miedo. Los conocemos desde hace tiempo.
Estos Gerentes son los hijos y los sobrinos de los Generales,
que asesinaron a los familiares de numerosos jóvenes
que nos acompañan
en esta protesta.
Entre ellos hay muchos hijos de desaparecidos.
Recuerdo bien esa época infame, porque yo estuve en
la patriada
de los que luchaban por la libertad,
y supe del poder de fuego de sus armas de exterminio,
gemas sangrientas, obsequio del Pentágono.
La resistencia de los pueblos
contra los amos imperialistas que nos explotan
es tan antigua como el continente Americano.
Producto somos de ese abuso incesante
y brutal del capital sobre el trabajo, esclavo o libre,
más esclavo que libre finalmente. El capital paga
el sudor del obrero con balas y con hambre.
En nuestra lucha, nosotros nos civilizamos
y aprendemos a ser libres,
mientras los patrones, esclavos de su inhumanidad,
buscan hundir al mundo en el terror y la barbarie.
Este poema aspira a ser esa escuela
donde los hijos aprendan un día de las luchas de sus padres.
Mis crónicas
son barrocas y melodramáticas,
excesivas y desbordantes como
nuestra gente.
Sus comparaciones y metáforas dan ejemplos
de nuestro valor, de nuestra fe y coraje.
Llega la hora de terminar la patriada. Vamos plegando
con amor nuestras banderas.
Nos despedimos de esa viril torre marmórea
y catedral porteña, el Obelisco,
blanquísimo
contra el fondo oscuro del cielo nocturno.
Testigo es del espíritu de lucha de sus hijos.
Empezamos poco a poco a desconcentrarnos
sobre la gran explanada de la 9 de Julio, y la Avenida Corrientes,
nerviosa de marquesinas luminosas y teatros acogedores.
Al fondo de la Gran Avenida de nuestra independencia,
En el edificio del Ministerio de Obras Públicas,
se ve el mural azul y blanco, titilante de luces,
con el retrato gigante de la inmortal Evita, custodio de los humildes.
Hormigas sigilosas, gritando a voz de cuello nuestras consignas,
prometemos volver, horadar con nuestro trabajo
las leyes injustas con que nos aplastan
y nos anulan los crueles dueños del capital,
y ocupar las calles que son nuestras,
trazar nuevos caminos a la esperanza.
Exigimos justicia. Somos la caridad y la fe.
Nos vamos en silencio a nuestros hogares empobrecidos,
a comer el pan amargo de la desdicha.
Pueda, amigos de la radio, La Boca del Riachuelo,
nuestra antigua República de chapas, colorida y costumbrista,
a la que fiel regreso, pronto levantarse
de su postración de barrio marginado
(marginado, que no desheredado, porque es heredero
de los murales alegóricos de Quinquela Martín,
los tangos sentimentales de Juan de Dios Filiberto,
los textos morrudos de Washington Cucurto
y los poemas argentinos de Alberto Julián Pérez),
víctima y testigo del abuso y el desprecio que sufren
en Argentina las sacrificadas masas populares,
y con todos los otros barrios, sumarse al Gran Cacerolazo
de la insurrección, para fundar una República en libertad.
En Argentina necesitamos una nueva revolución:
la de los pobres contra los ricos,
la de los hijos contra los padres,
la de las mujeres contra los maridos tiránicos,
la de los débiles contra los fuertes
opresores,
la de los poetas contra los malos políticos.
Qué nos queda a nosotros, los
desvalidos, los ignorados,
jóvenes Adanes, sino alimentar esa esperanza,
y desear que, esta vez, las balas de la oligarquía
dirigidas al pueblo, erren el blanco.
Que reconozcan nuestra humanidad queremos.
Por nuestra parte prometemos,
que haremos que comprendan y sientan lo que es la Patria.
La llevamos aquí en nuestros corazones, tesoro espiritual,
precioso tatuaje sin precio. Parece una vieja verdad
o una superstición, pero, aquellos que la han sentido, saben
lo cerca de dios y de la vida que está la antigua casa del Padre,
nuestra Patria. ¿Cuándo empezó todo esto ?
¿Cuándo
los héroes se volvieron villanos ?
¿Cuándo
los libertadores se
hicieron opresores?
¡Oligarcas, vendepatrias, asesinos ! ¡Arrepiéntanse de sus crímenes!
Están a tiempo.
Generales de Latinoamérica, que han olvidado
quién es el
enemigo, y han apuntado las armas contra sus ciudadanos;
oficiales criminales de la Armada que lanzaron a las madres
y a sus hijos al vacío desde los aviones militares;
crueles torturadores de jóvenes estudiantes;
abogados vueltos policías, que persiguen al débil,
en lugar de protegerlo;
jueces de las cortes mediáticas de Justicia,
que montan el show a pedido de sus amos,
y crean cortinas de humo cómplice para ocultar sus latrocinios;
explotadores racistas que pagan con nuestra sangre
intereses a sus patrones extranjeros;
nuevos gerentes de los capitales de sus padres genocidas;
terratenientes, nietos de ladrones de tierras y asesinos de indios;
sepan que esta es también su Patria.
Somos el Pueblo, y aceptamos compartir con Uds. nuestro país,
aunque no lo merecen. Bárbaros, cipayos, apátridas…
« Arrepiéntanse, únanse a la civilización de los
justos »,
clama la voz en el desierto. Los pobres todo lo perdonamos,
porque somos nosotros, por voluntad de Dios, la Verdad y la Vida,
y les haremos un lugarcito, aquí, en este fogón abierto,
junto al rescoldo tibio de nuestros corazones.
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